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Éditions Un jour / Une nuit
8 juin 2013

Compte-rendu de Pierre Michel, rédacteur en chef des cahiers Octave Mirbeau N°20 pour "Jean-Charles Président" de D. VILLANOVA.

Daniel VILLANOVA, Jean-Charles Président !, Éditions Un Jour/Une Nuit, Montfavet, décembre 2012, 109 pages ; 12 euros. Illustrations de José Nuyts.

(Par Pierre Michel, rédacteur  en chef des Cahiers Octave Mirbeau. N° 20)

 

Auteur et acteur engagé, notre ami Daniel Villanova s’est spécialisé dans des one-man-shows comiques, où il incarne à lui tout seul des personnages des deux sexes et de toutes les conditions sociales, mais qui ont en commun d’être des languedociens vivant dans le village fictif de Bourougnan – pas si fictif que cela, à vrai dire, puisque nombre de spectateurs, partout où il joue, ne manquent pas de reconnaître des personnes bien vivantes de leur voisinage... Après L’ÉTÉ, que j’ai pu voir au printemps 2011 à Montpellier, j’ai eu le grand plaisir d’assister un an plus tard, au Thor dans le Vaucluse, à une représentation du nouvel opus de Daniel Villanova, qui a été donné en 2012 dans les mois qui ont précédés l’élection présidentielle, devant de salles combles et enchantées. Il faut dire que l’inspiration cocasse qui lui est habituelle prend ici une tournure plus directement polémique et politique et colle directement à l’actualité, puisque c’est carrément le Sarkozistan qui est ridiculisé et stigmatisé. Libertaire et doté, comme Mirbeau, d’une conscience éthique exigeante, Daniel Villanova ne pouvait plus supporter le potentat, sa vulgarité, son pouvoir tentaculaire, son goût immodéré de l’argent, ses amitiés obscènes avec les milliardaires, son agitation frénétique, nombriliste et incohérente, et il lui a fallu recourir aux mots, aux mimiques et aux gestes pour exprimer sa révolte et son dégoût, tant face au personnage(« Un con pareil ») que face à sa politique dévastatrice, et pour essayer de les faire partager à des milliers de spectateurs, dans l’espoir de le voir enfin (« dégagé ») : « Cinq longues années à ronger mon frein ! soixante mois interminables à supporter comme je l’ai pu la morgue d’une poignée de dirigeants affairistes montés à l’assaut des plus hautes instances de l’État pour y organiser à leur aise le dépouillement de la majorité d’entre nous. Pour faire faire à notre société l’un des bonds en arrière le plus fantastique de notre histoire. »

 

Aussi a-t-il imaginé que les Indignés de Bourougnan, dont il fait modestement partie, se choisissent un candidat un peu plus présentable, ce Jean-Charles du titre, dont Daniel Villanova nous dit dans sa postface, qu’il est « libre, joyeux, debout, rebelle à toute autorité d’où qu’elle vienne », bref un citoyen qui pourrait être son double...

 

Reste à se faire connaître et reconnaître, et pour cela, rien de tel qu’une apparition – d’un ange en l’occurrence – Comme quoi le burlesque et la fantaisie déchainée (le Christ dispose d’un portable et reçoit de multiples appels de politiciens inquiets et en attente d’un miracle...) sont mis au service d’un déboulonnage en règle, non seulement de l’autocrate, réduit en poussière complètement démonétisée, mais aussi de sa « bande » et de ses acolytes, Borloo, Alliot-Marie, Carla et les « personnullités » sarkozystes du monde du spectacle, Bigard, par exemple, « qui est à l’humour ce que la syphilis est à l’amour » : tous plus grotesques les uns que les autres, tous « menteurs comme des épitaphes ». Mais, pour qui a eu l’heur d’assister à une représentation, il est clai que le texte seul ne permet pas de rendre compte des multiples effets scéniques de ce prodigieux Fregoli aux multiples facettes qu’est Daniel Villanova. Heureusement, les illustrations de José Nuyts permettent au lecteur de compléter avantageusement sa représentation de son univers comique, où le pittoresque de la langue et le franc-parler des personnages, qui ne se laissent pas duper par les grimaces des puissants, sont des armes efficaces pour dégonfler d’emblée les baudruches politiciennes.

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